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Cinématurnome s'intéresse au cinéma plus ou moins oublié (qui a donc 20 ans ou plus). On aime pas attribuer des notes ici alors pour faire joli il y a des lunes qui indiquent un facteur relatif d'obscurité, comme ça, pour rien.

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vendredi 31 mai 2013

Человек уходит за
птицами



Un film d'Ali Khamraev
Ouzbékistan, 1975
V.F. : L'homme suit les oiseaux




Quand j'ai croisé par hasard ce film, j'ai tout d’abord été saisi par les quelques images que je trouvais sur le net. Beaucoup de paysages variés, à travers les quatres saisons, toujours en nature. Il y a aussi cette espèce d'esthétique soignée qui me fait dire, ben oui, c'est un film soviétique, tantôt on dirait du Paradjanov, tantôt du Tarkvoski... Bon ben il faut que je vois ça.

Et donc il s'agit d'une histoire du passage de l'enfance à l'âge adulte, mais dans l'Ouzbékistan médiéval. Ça suffit pour être déjà intéressant non?

Farouk est un adolescent qui n'a pas grand chose pour lui, étant détesté dans son village, principalement parce que son père, sa seule famille, est un ivrogne fini. Avec son seul ami, un orphelin, ils partent en nature, loin du monde cruel qui ne souhaite rien d'eux. Un autre personnage se joint à eux, et le film prend des allures de road trip. Mais le rythme ici est beaucoup plus lent et éclaté, se structurant sur un poème prononcé au début du film et des paroles prononcées à la toute fin. Le poème parle du renouveau du printemps, et le film se structure autour du changement des saisons.

L'influence du cinéma artistique soviétique rend la trame de cette histoire plus mystérieuse encore, alternant entre des scènes contemplatives, parfois hors du récit et purement symboliques et des scènes du quotidien. Pour renforcer l'esthétique, la bande-son alterne entre des pièces de style baroque, de l'électro-acoustique et de la musique traditionnelle ouzbek. L'électro-acoustique détonne un peu parfois mais le reste est cohésif.




Cependant si je parlais de Tarkovski ou de Paradjanov plus tôt, ce film-ci m'a semblé beaucoup moins profond et complexe dans sa thématique que leurs films. On ne cherche pas de film épique ici, au coeur de la chose se cache un film dramatique centré sur un personnage qui doit apprendre à prendre les mauvais coups et vouloir se combattre, la vie est un combat tout ça. Nos personnages quittent la société cruelle et vilaine pour aller vivre en marge, et vivent dans un équilibre de hauts et de bas apportés par les saisons. Ils sont romantiques et naïfs et adolescents.

Mais la légèreté n'est pas un défaut, et cela permet à l'aura mystérieuse de l’Ouzbékistan médiéval vu à travers le cinéma d'art soviétique de prendre toute sa place. C'est un film qui peut se regarder de nouveau pour se perdre dans son univers, ses longues scènes, ses décors (et pas seulement naturels, il y a de jolies ruines et quelques scènes de village). Parfois l'esthétique exagère, avec quelques flashbacks mélodramatiques (appropriés pour un adolescent, je suppose, même si cela concerne sa naissance) et un tantinet trop de prises au ralenti. C'est joli le ralenti mais quand c'est souvent et gratuit, c'est un peu long. On pourrait reprocher le jeu d'acteur par moments aussi, qui n'est absolument pas aidé par la post-synchronisation intégrale des voix, créant quelques moments de personnages qui parlent bien normalement en pleine course. Aussi le bruitage des pas dans la neige est agaçant. Mais bon là je chipote.

J'en ressors avec le même avis que j'avais du film avant de le voir. Mais en mouvement, c'est encore plus beau.



lundi 27 mai 2013

秀子の車掌さん





Un film de Mikio Naruse
Japon, 1941
V.F. : Hideko, receveuse d'autobus




Qu'est-ce qu'un receveur d'autobus? C'est quelqu'un qui t'accueille en entrant dans l'autobus, s'occupe des billets, surveille les passagers, pendant que le chauffeur s'occupe uniquement de la route. Un peu comme ces employés qui restent plantés à l'entrée des magasins pour dire bonjour. Hideko Takamine (qui prête donc son nom au protagoniste du film) occupe donc dans ce film un métier bien disparu de nos jours. Mais pire encore, elle est receveuse d'autobus pour une compagnie de transport qui n'a plus le vent dans les voiles, utilisant un bus dans un état lamentable et qui n'accueille plus que quelques passagers qui profitent du vide pour s'en servir de camion de transport ou d'autobus scolaire.

Heureusement, Hideko est une optimiste, souriante et entreprenante. Elle teinte le film d'une légèreté, accompagnée d'un soleil radieux que les gens combattent avec des limonades glacées. On a en fait plutôt l'impression de regarder une comédie légère de Hiroshi Shimizu (et il serait dur de ne pas penser à Arigatô-san (1936) un autre film léger d'autobus, mais qui s'apparente plus à un film road trip) qu'un film de Mikio Naruse. Le réalisateur est davantage connu pour ses films plus mélodramatiques (pour le peu qu'il est connu, ses films n'ont jamais été de gros vendeur par ici et sont disponibles hors du Japon qu'en trois coffrets ; deux au Royaume-Uni chez Masters of Cinema et British Film Institute, qui sont ses films essentiels, et un coffret de ses premiers films chez Criterion aux États-Unis, Collection Eclipse).



Entre les moments cocasses du film Hideko montre son enthousiasme à moderniser son autobus et avec son chauffeur réussi à obtenir l'aide d'un écrivain dans sa quête. Le charme du film est dans cet aspect si tranche-de-vie, ou tout conflit face à la quête est banalisé. Leur patron est un escroc, mais sa bonhomie et sa passion pour les limonades glacées en fait un personnage sympathique. Un accident de route se révèle banal, les blessures un rien. Les rumeurs que la compagnie est au point de la faillite? Le film ne tourne même pas en un scénario du style "sauvons l'entreprise du coin". Tout est si calme, posé, drôle et souriant, grâce à Hideko, que la tragédie sous-entendue est banalisée et rend la fin si poignante. C'est un film qui termine sur un sourire et des gens heureux, mais Mikio Naruse nous en laisse savoir davantage que nos protagonistes, et le moment où le générique de fin joue est poignant. Sans compter qu'on est en 1941 au Japon, tiens.

Le soleil, la légèreté du film? Le film rejoue dans notre tête après qu'il ait terminé, et ce qui avait été si banalisé pendant le visionnement prend de l'ampleur et nous fait tout voir sous un autre angle. On se retrouve comme les protagonistes.

Ce sera la première collaboration du réalisateur avec celle qui deviendra son actrice fétiche, mais aussi son dernier film d'avant-guerre.


samedi 25 mai 2013

Le Wazzou polygame





Un film d'Oumarou Ganda
Niger, 1971




(aïe aïe, deux mois sans nouveau film, j'étais si occupé ces derniers temps, je n'ai pas eu le temps d'en regarder un seul. Pas un seul! Rassurez-vous, j'en ai souffert)


C'est le deuxième film d'Oumarou Ganda en tant que réalisateur, lui qui a découvert le cinéma en jouant le rôle principal de Moi, un noir (1958) du célèbre cinéaste ethnographique Jean Rouch.  Le Wazzou polygame concerne donc un personnage que l'on pourrait décrire comme un Tartuffe, quelqu'un qui se prétente comme très attaché à des valeurs religieuses mais qui se révèle plutôt comme un hypocrite. Le wazzou revient donc de la mecque, obtenant le titre convoité de Hadji. Il discute de sa sagesse acquise avec d'autres anciens du village, puis vient à discuter de son désir d'épouser Satou, en faisant donc sa troisième femme, même si cette dernière était promise au jeune et sans-le-sou Garba. Le Wazzou utilise son argent pour convaincre la famille de Satou, même si cette dernière refuse absolument d'être mariée à lui. Évidemment, ne peut pas bien finir. On y conteste l'autorité et l'abus de pouvoir, mais ce sont les petits qui vont souffrir.



Je disais qu'Oumarou Ganda a découvert le cinéma via Jean Rouch, et sans pouvoir le confirmer je crois qu'il y a influence, des traces qui restent dans le style. Jean Rouch est le pionnier de la caméra épaule moderne, et Ganda reprend cette esthétique documentaire à son film. Plusieurs scènes, je pense à celle de la paye de la dot et celle du mariage, semblent captées du quotidien. Le récit est fracturé, bourrés d’ellipses qui font progresser l'histoire à pleine vitesse, l'on passe d'une scène de jour à une scène de nuit en une fraction de seconde, avec rarement des plans d'ensemble afin d'établir l'action. Mais le récit simple permet de bien suivre l'action, le tout aidé de quelques cartons titres (comme à l'ère du muet) qui donne un certain air de conte à l'histoire.

En somme c'est un film rapide, court et simple mais efficace. Le film gagne le premier prix au tout premier FESPACO, le festival majeur du cinéma africain, ce qui lui a donné une certaine notoriété relative au cinéma africain, qui reste dans son ensemble assez ignoré à l'étranger.