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Cinématurnome s'intéresse au cinéma plus ou moins oublié (qui a donc 20 ans ou plus). On aime pas attribuer des notes ici alors pour faire joli il y a des lunes qui indiquent un facteur relatif d'obscurité, comme ça, pour rien.

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samedi 26 janvier 2013

Germinal



Un film d'Albert Capellani
France, 1913




Une adaptation du roman éponyme d'Émile Zola, d'une durée de presque 3 heures. On pourrait qualifier 1913 de la première année du long-métrage cinématographique. Pas que le long-métrage soit apparu il y a 100 ans cette année : The Story of the Kelly Gang, film australien de 1906 qui ne survit dans une une version très fragmentaire aujourd'hui, est considéré comme le premier long-métrage. Les autres ont suivis bien plus tard et ont tous une forte apparence d'une série de tableau plus près de la forme du théâtre que du cinéma (L'Inferno en 1911, Les amours de la reine Élisabeth en 1912...). C'est en 1913 que le genre prend vraiment pied, avec un assez grande productions de long-métrages et prenant pour la plupart d'entre eux une esthétique plus adaptée au cinéma. Atlantis (August Blom), Traffic in Souls (George Loane Tucker), L'enfant de Paris (Leonce Perret), Der Student von Prag (Paul Wegener) ou probablement le plus connu, Ingeborg Holm (Victor Sjöström)... Parmi bien sûr encore quelques films plus théâtraux (Le avventure straordinarissime di Saturnino Farandola de Marcel Perez est ma nomination personnelle comme premier nanard de l'histoire).

Germinal s'inscrit parmi ces films comme un des plus ambitieux, qui semble avoir un certain soucis de donner quelques lettres de noblesse au neuvième art. Le réalisateur, Albert Capellani, s'est déjà livré à l'expérience d'adapter Émile Zola avec L’Assommoir en 1909 (D'environ 35 minutes, déjà une longueur surprenante à l'époque), lui donnant peut-être la confiance nécessaire pour ce film qui est je crois le plus long jamais sorti jusqu'alors. En lien avec le naturalisme et la recherche documentaire typique de l'auteur du roman, Capellani filme son adaptation majoritairement en décors naturels, dans des paysages industriels du nord de la France, en employant la population locale comme figurants pour le film. Cela rappelle non seulement le néo-réalisme à venir, mais également une adaptation muette de Zola relativement plus célèbre, La Terre par André Antoine (1921). On peut noter que d'employer la population locale en 1913 a certains défauts : les gens sont tellement intrigués par la caméra qu'ils ne peuvent s'empêcher de regarder direct dedans, particulièrement les enfants. Cela gâche une scène de fête foraine où le réalisateur semble avoir perdu le contrôle, un des plans ressemble presque à un blooper qui jure énormément avec la bonne mise en scène du reste du film.

Le roman est suivi fidèlement : Émile Lantier perd son emploi et  se retrouve employé d'une mine où il prendra une part importante à la grève, tout en tombant amoureux d'une minière, Catherine. Cette dernière étant cependant la conquiête de Chaval, opposé à la grève...




Le soucis du réalisme offre au film son plus bel avantage que son ses décors naturels. L'on peut y apercevoir les mines et les usines en pleine opération. Capellani exploite souvent des routes comme motif visuel, et n'hésite pas à filmer des lieux lui offrant un décor qui s'étire très loin. Tout ceci justifiant donc ses longues prises en plan pied qui était la norme à l'époque. L'impossibilité de filmer à l'intérieur des mines l'oblige à recréer ces scènes en studio mais l'effet est convainquant, avec une caméra souvent basse et un décor presque entièrement plongé dans le noir. Seuls les quelques intérieurs conventionnels jurent avec le reste du film, ceux-ci sont tout à fait similaires aux autres productions très artificielles de l'époque.

Le film est très économe sur les intertitres. Ce que disent les personnages n'est presque jamais réécrit (il y a au total deux exceptions je crois, une déclaration à une réunion d'ouvriers et une phrase au téléphone), les intertitres se contentant plutôt d'annoncer la scène à venir. Le reste du film est raconté en images et principalement par le jeu des acteurs, qui est assez clair si l'ont s'amuse a s'imaginer ce qu'ils racontent. Les deux rôles principaux sont attribués à des acteurs de théâtre de réputation. Henry Krauss joue Étienne Lantier, et Sylvie joue Catherine Maheu. (vous avez peut-être déjà vu cette dernière dans le classique Le Corbeau d'Henri-Georges Clouzot, 1943) Cette dernière joue très bien son rôle alors qu'Henry Krauss alterne entre le naturalisme et le théâtral selon les scènes. Les dernières scènes plus que les premières, pour montrer le développement interne du personnage et son optimisme malgré les lourdes épreuves traversées. Les autres acteurs sont souvent plus théâtraux, mais l'on sent que le film est situé dans une période de transition dans le jeu d'acteur et que quelques années plus tard les choses seront complètement différentes. Un personnage intéressant à noter est celui de Souvarine. Avec son look de poète (il a des CHEVEUX LONGS, une ÉCHARPE, il lui arrive de LIRE et bon sang il a même UN LAPIN comme animal de compagnie!) il n'y a aucun doute qu'il va causer des ennuis. Hors il faudra presque deux heures avant qu'il ait une quelconque importance au scénario, et passe donc quasiment tout le film à avoir l'air songeur et regarder au loin de manière très visible.

Germinal est donc un film à la croisée des chemins, entre le théâtre et un soucis du naturalisme et qui de ce fait bâti le langage cinématographique. Il y a un peu de romantique noble vieillot (ce qui arrivait à l'époque lorsqu'on avait un désir très fort de faire du grand art avec un médium populaire), la finale optimiste (qui vient bien du roman) est un peu soudaine, et la rigidité du cinéma de 1913 (qui semble encore mettre une certaine distance entre les évènements à l'écran et le spectateur) n'est pas à mettre entre toutes les mains 100 ans plus tard, mais il s'agit d'un film réussi et encore prenant.



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