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Cinématurnome s'intéresse au cinéma plus ou moins oublié (qui a donc 20 ans ou plus). On aime pas attribuer des notes ici alors pour faire joli il y a des lunes qui indiquent un facteur relatif d'obscurité, comme ça, pour rien.

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vendredi 21 décembre 2012

Sen noci svatojánské



Un film de Jiří Trnka
Tchécoslovaquie, 1959
V.F. : Le songe d'une nuit d'été




Jiří Trnka est un réalisateur de films d'animation célèbre (autant qu'un réalisateur de films d'animation peut l'être), étant le pionnier du courant d'animation est-européen et à l'origine de la tradition tchèque extra-ordinaire du stop-motion (marionnettes animées image par image), mais sont oeuvre est difficile à voir.  Ruka (La main, 1965) son dernier court-métrage avant sa mort et son oeuvre la plus puissante peut être visible ici et là sur l'internet. Císařův slavík (Le Rossignol et l'Empereur de Chine, 1948) a connu une distribution tronquée à l'étranger qui rend quelques personnes nostalgique aujourd'hui.  Sen noci svatojánské est son dernier long-métrage. L'oeuvre est une adaptation du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, seulement la deuxième fois que l'histoire est portée à l'écran. C'est une adaptation assez fidèle mais où une approche poétique gomme un peu les éléments comiques. Comme dans la plupart des oeuvres de Trnka, les personnages ne parlent pas, seule une narration nous explique les évènements et les intentions des personnages.

Quasiment tout l'intérêt du film repose sur l'extraordinaire travail visuel. Il s'agit peut-être de l'ultime accomplissement de Trnka à cet égard. L'éclairage nocturne fait baigner l'univers baroque du film dans un bleu onirique tout à fait approprié, le design des fées sont d'une délicatesse splendide pour des marionnettes, et le jeu de composition est particulièrement notable. Le format d'écran rectangulaire avait quelques années au moment de la réalisation du film, mais de mes connaissances personne ne l'avait alors exploitée avec autant d'invention. Le film déborde d'idées sur l'utilisation du procédé, notamment sur la séparation de l'écran en plusieurs scènes. Un plan où un des protagonistes entend des amoureux au loin, l'écran se divisant alors en deux parties, fait penser aux idées de Brian de Palma plusieurs années plus tard.




Il est intéressant de constater alors que Trnka avait également filmé une version alternative du film (en utilisant une deuxième caméra filmant en même temps), en format académique, qui est même encore aujourd'hui la version la plus vue. Le plan ci-haut est alors coupé en deux:


Il est étonnant d'apprendre que malgré toutes ces inventions, Trnka était un sceptique du procédé et est retourné au format 1.33 carré par la suite.
Toute cette approche très stylisée et poétique (sans compter la narration) du film nous sépare cependant des personnages. Ce n'est pas aidé par le fait qu'ils sont nombreux dans cette histoire, et du coup le film s'admire comme un bel objet, impénétrable. Même la pièce des acteurs amateurs, Pyrame et Thisbé, qui se veut comique dû à l'incompétence des acteurs, est prise par la poésie du film et devient une sorte d'oeuvre pathétique et touchante. Cette approche fut décriée dans son pays comme de "l'art pour l'art", mal vu sous le régime communiste tchécoslovaque, et marqua le début d'une descente vers le pessimisme de l'auteur, culminant avec Ruka. Le film avait été pourtant fait avec un budget considérable, Trnka étant considéré jusque là comme un trésor national, acclamé à l'extérieur par des gens comme Jean Cocteau.

Le film fut réévalué depuis et il s'agit véritablement d'une oeuvre d'une beauté rare (j'ai souffert à choisir mes captures d'écran!), avec un travail couleurs et d'éclairage des plus fort de son époque. À regarder pour faire plaisir à ses yeux.



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