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Cinématurnome s'intéresse au cinéma plus ou moins oublié (qui a donc 20 ans ou plus). On aime pas attribuer des notes ici alors pour faire joli il y a des lunes qui indiquent un facteur relatif d'obscurité, comme ça, pour rien.

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samedi 15 décembre 2012

源氏物語


Un film de Sugii Gisaburō
Japon, 1987
«Genji Monogatari»
V.F. : Le dit de Genji





Train de nuit dans la Voie lactée (1985) est un de mes favoris du cinéma d'animation japonais. L'adaptation un peu particulière de la célèbre nouvelle de Kenji Miyazawa divise la communauté des amateurs d'anime par son rythme très lent mais j'y retrouve des qualités rarement vu dans le genre. Par curiosité j'ai décidé de mettre la main sur le film suivant du réalisateur, une autre adaptation littéraire mais cette fois-ci basée sur le premier roman japonais. Malgré une sortie VHS en Amérique par Central Park Media (les pionniers de la traduction d'anime et ayant contribué à la popularité du genre) le film demeure peu discuté. Mais le rythme de Le dit de Genji est d'une lenteur extrême, poussant vers des limites qui ne rassurerait en rien ceux sceptiques face à l'oeuvre précédente de Gisaburo Sugii.

Le roman original est considéré comme un joyau culturel du Japon, introduisant le concept de drame psychologique des siècles avant qu'il soit courant dans la littérature et introduisant des personnages complexes capables d'exprimer des émotions. C'est aussi une oeuvre qui ne possède pas une histoire à proprement dit, avec une évolution narrative moderne avec un début, un milieu et une fin. Les personnages vieillissent au fil des évènements et il n'y a pas de fin claire, l'histoire coupant en plein milieu d'une phrase. (il est aussi considéré que les derniers chapitres ne sont pas de l'auteure original). L'adaptation de Sugii se contente donc de mettre en scène les premiers chapitres de l'histoire, suffisant à présenter le Genji (il s'agit d'un surnom signifiant quelque chose comme "radieux" ou "beau"), personnage principal de l'histoire, et le problème au coeur de sa vie.

Genji est fils de l'empereur. Sa mère étant morte lorsqu'il était enfant, il ne peut accéder au trône et doit créer sa propre branche de l'empire. La mort de sa mère à l'origine d'un développement d'une espèce de complexe d'oedipe qui complexifie sa vie. À travers ses amours, qui comprend la nouvelle femme de son père et sa jeune cousine pré-pubère, il cherche quelque chose qui manque à sa vie sans savoir quoi, et fini par perdre tout les femmes de sa vie.




L'oeuvre complexe n'est pas simplifiée par ses ellipses. Il est difficile d'identifier positivement les personnages sans avoir une légère connaissance de l'histoire en elle-même (un passage sur wikipédia suffit). Au Japon l'histoire est connue de quiconque va à l'école, expliquant peut-être cette absence de présentation claire des personnages. À noter que c'est aussi un phénomène présent dans l'oeuvre originale. Il reste que cette différence culturelle rend le film plus difficile d'accès chez nous.

L'autre difficulté est ce rythme très lent. Le film se complaît dans des silences et des déplacements de caméra   au ralenti. C'est encore quelque chose que l'on peut attribuer à l'oeuvre originale et à la culture japonaise. Le roman introduit le concept de «mono no aware», défini comme une sorte de sensibilité pour l'éphémère, l'impermanence, le temps qui passe... Quiconque est familier avec le cinéma de Yasujiro Ozu a probablement entendu le terme et en comprend un peu le sens. En animation japonaise, Isao Takahata peut être un autre exemple. L'on a ainsi des plans qui semblent davantage avoir une valeur esthétique, poétique, où rien n'est réellement raconté pour faire avance la trame narrative, mais servant tout simplement à présenter l'état des choses. Il y a entre autre un superbe plan d'une lenteur incroyable où le Genji se pratique à l'arc, on voit d'abord une flèche, puis un travelling horizontal infini de la caméra sur un fond complètement noir, passant devant un feu (en prise de vue réel, non animé) avant de révéler le personnage. Un autre exemple magnifique est une conversation à un dîner, où l'on ne voit jamais les personnages, mais seulement des tonnes de plans très lent en travelling horizontal de bâtiments sous la pluie, avec des chants distants que l'on entend dans le haut-parleur gauche.

L'esthétique du film a une allure un peu fade très "fin années 80" (dû en partie à comment le film a été piètrement converti en vidéo digital, visiblement bombardé de DVNR), aussi ressentie dans les effets sonores qui seront familier avec quiconque qui a regardé des dessins animés japonais de cette époque le samedi matin. Le Genji est particulièrement très féminin dans son look, ayant quasiment l'air d'une vedette de glam rock. L'animation est limité mais le style est plaisant (ou est-ce parce que Albator et compagnie m'ont habitués à ce style?), la composition des images soignée, et la musique est particulièrement belle. Un mélange de musique traditionnelle japonaise et de drone et musique d'ambiance moderne. Au final, malgré un look très différent, plusieurs qualités similaires à celles de Train de nuit dans la Voie lactée ressortent. Mais c'est ce dernier qui brille davantage, jouissant d'une trame narrative plus accessible.



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